Un Kommando spécial de Sachsenhausen
Automne 1943: de nouveaux entrants au camp de concentration de Sachsenhausen sont acheminés, après la quarantaine, vers un lieu situé à quelques 55 km à l'est de Berlin, assez proche d'une petite ville mais dissimulé au milieu des bouleaux et des pins immenses. Ils vont bâtir des baraques qui formeront le Kommando de BAD SAAROW.
Il importe de cacher ce camp à la population et à l'aviation ennemie car les détenus construisent à partir de décembre 1943, un Bunker, appelé FUCHSBAU (terrier du renard), destiné à servir d'abri au GQG de la Wehrmacht:
En cas de bombardements intnesifs sur Berlin, son état major pourra s'y replier pour coordonner les opérations militaires. En effet, les armées soviétiques ont remporté à Stalingrad une victoire décisive et elles ont repris l'offensive. D'autre part, l'Allemagne subit des raids aériens anglo-américains de plus en plus sévères. Berlin a été pilonné en juillet 1943. L'avenir s'assombrit pour les nazis.La population du Kommando se compose d'un peu moins de mille hommes, en grande majorité des Russes et des Polonais, plus une trentaine de Norvégiens, ressortissants d'un pays neutre, protégés par la Croix-Rouge suéduoise et donc exemptés des tâches les plus pénibles, une trentaine de Yougoslaves et à peine une vingtaine de Français.
Ici pas de four crématoire: les morts disparaissent sans laisser de traces ou sont ramenés au grand camp pour y être réduits en cendre. Pas de gibet: un jeune russe de dix-sept ans, repris après une folle tentative d'évasion, sera pendu à un bouleau, à l'entrée du Kommando. Pas d'instrument de torture: les corvées exténuantes, la cruauté des SS, le sadisme des « verts » tout-puissants, l'absence quasi totale de matériel au Revier et le froid glacial ( de décembre à février, la température tombe souvent au-dessous de -20°) éliminent rapidement les détenus les moins résistants.
L'effectif de BAD SAAROW diminue à partir de décembre 1944. De très nombreux prisonniers sont transportés vers d'autres camps plus éloignés du front soviétique, des camps où les attend une mort à peu près certaine. Pour ceux qui restent au Kommando, survivre devient de plus en plus ardu: tandis que les rations alimentaires se réduisent chaque jour, le commandant du camp fait accélérer les cadences de travail au Fuchsbau, qui pourtant ne sera jamais terminé. En avril 1945, les esclaves sont rapatriés au grand camp d'où ils partiront à pied vers le nord: très peu garderont la vie sauve après cette marche de la mort. Ainsi, tout est fait pour exécuter l'ordre de Himmler: aucun détenu ne doit tomber vivant entre les mains des libérateurs alliés.
Annie Malroux