Fin juillet 1941 : Louis DELBASSEE arrive au camp
Agé de 20 ans, ce jeune homme va passer près de quatre années dans ce sinistre lieu.
"Dès mon arrivée, les SS demandent à notre groupe de nouveaux venus, cinquante volontaires pour réaliser le terrassement d'assises de V1. Seuls, une quinzaine de mineurs se décident, mais ce n'est pas suffisant ! Mécontents, les gardiens nous donnent un ultimatum: si dans une heure il n'y a pas le nombre requis, les manquants seront choisi d'office! Heureusement, d'autres hommes s'avancent, ce qui me permet de rester sur place.
Puis les SS nous poussent vers le baraquement des douches en vociférant " los ! los ! " (allons ! allons !). C'est le déshabillage (nos vêtements et chaussures sont confisqués), le rasage intégral, puis la désinfection à la poudre (DDT ?), à l'aide d'une pompe. Après la douche prise, nous sommes dirigés vers une autre salle, où sont amoncelées sur de longues tables les tenues rayées de bagnards. Lorsque celle-ci est attribuée, chacun de nous reçoit son numéro de matricule: je reçois le 38690, avec sur le côté gauche un triangle de couleur rouge la pointe dirigée vers le bas (politique) et un F inscrit, qui signifie ma nationalité française. Les gardiens nous donnent l'ordre de coudre le matricule sur notre tenue de déporté le soir même. Nous ne sommes pas photographiés.
Nos tenues se composent d'une chemise bleue à lignes blanches (de qualité acceptable), d'un caleçon, d'un pantalon, d'une veste en laine de bois (qui provoque des démangeaisons) et d'un couvre-chef de bagnard rayé bleu et gris-blanc appelé " zébra ". L 'hiver, nous sommes pourvus d'un petit pull en laine de bois et d'un pardessus de la même matière
Lorsque nous sommes arrivés, les chaussures fournies se composent d'une planche en guise de semelle, de lanières de cuir comme fixation et de chiffons pour envelopper les pieds. Par la suite, des camarades mineurs travaillant à l'Effektenkammer (récupération des vêtements et objets appartenant aux déportés) trouvent le moyen de récupérer des pièces et de les sortir, permettant ainsi à ceux qui maîtrisent la cordonnerie de confectionner des chaussures décentes " .
"Schnell, schnell " (vite, vite) il faut sortir sans tarder, et nous sommes dirigés vers un tas de paillasses entassées au milieu de la cour. Chacun prend possession de son maigre bien avant de gagner les baraquements. Comme tous les nouveaux arrivants, nous, mineurs français et polonais du bassin minier, sommes placés en quarantaine, afin " d'assouplir notre caractère et nous rendre plus dociles ". Mais, considérés comme main-d'œuvre efficace, nous ne restons qu'une journée à l'isolement.
Dès notre sortie, nous sommes répartis suivant les places disponibles dans les blocks, où d'autres nationalités se côtoient :
Tchèques, Russes, Polonais, ... et des Allemands considérés comme hostiles au Reich.
Dans mon baraquement se trouvent des étudiants tchèques ainsi que des intellectuels allemands internés depuis 1934 (médecins, professeurs, ... ).
Dans mon malheur, j'ai un peu de la chance, puisque mon chef de block 27, Josef, surnommé • Youp ", n'est pas trop mauvais. Egalement prisonnier, il a été arrêté comme opposant politique en 1934.
Nous sommes sept mineurs dans notre baraquement : Marcel DESCATOIRE, Louis DEREGNAUCOURT, Jean RICHEZ de Frais Marais, Marcel BETTREMIEUX d'Arenberg, André DUVOCHELLE de Fouquières les Lens et Adrien DELOBELLE de Liévin. Etant le plus jeune, je suis affecté dans la partie A avec des étudiants tchèques, et dans la partie B mes compagnons avec des intellectuels allemands d'un certain âge. Pour survivre, il faut éviter les réprimandes. Les anciens détenus me conseillent de toujours dire • oui ., d'être le plus discret possible et de ne pas me faire remarquer par les gardiens ".
La vie dans le camp
Le réveil est annoncé par le tintement d'une cloche: 3 h 30 l'été et 4 h 30 l'hiver. Il faut se lever rapidement, car le blockführer (SS chef de block) et ses sbires font marcher la trique pour les retardataires. Il faut se laver et manger hâtivement, avant de se rassembler devant le baraquement pour le comptage. Puis, c'est au pas cadencé nous nous dirigeons vers la place d'appel vers notre emplacement. Nouveau comptage avant que le commandant du camp apparaisse, et l'ordre de se mettre au " garde à vous " est donné, suivi de "coiffures retirées". Puis, chaque chef de block présente au commandant le décompte des effectifs "
Ensuite c'est le départ pour le travail. Ceux qui ne sont pas retenus ou exemptés regagnent le baraquement. Ces derniers sont chargés de nettoyer et ranger les locaux. Dès que l'entretien est terminé, les détenus doivent rester assis à table, afin que le blockführer puisse les surveiller. C'est pendant la journée que les Allemands en profitent pour fouiller les blocks.
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